HHQc a rencontré un promoteur de spectacle actif depuis 35 ans au Québec. Rickey D est devenu une figure incontournable de la scène hip-hop à Montréal. Sa carrière s’est construite parallèlement à l’histoire du rap au Québec. L’homme est une référence pour comprendre l’évolution de la scène hip-hop.

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Né d’un père italien et d’une mère caribéenne, Ricardo Daley a grandi à Montréal dans le quartier Petite Bourgogne. Le hip-hop s’est introduit dans sa vie alors qu’il voyageait avec ses parents pour visiter sa famille à Brooklyn. En route pour New York, il écoutait la radio américaine. Il a ramené à Montréal des cassettes et des vinyles de cette musique découverte aux États-Unis pour la partager à ses amis. Les préoccupations amenées par les rappeurs américains étaient l’écho des enjeux sociaux touchant les Afro-Américains.

Venant d’une famille modeste, Rickey D a grandi dans un HLM. Il s’est facilement identifié au rap en tant que jeune adolescent noir et il a choisi le rap puisque c’est le son de la rue. Une musique d’abord axée sur la fête, puis de plus en plus politisée avec des groupes tels que N.W.A et Public Enemy qui dénoncent entre autres les abus policiers et le racisme.

Ricardo Daley souhaitait prendre part au mouvement hip-hop et le booking est la voie qu’il a trouvée. « J’étais incapable de danser, de chanter, de jouer d’un instrument de musique, mais j’aimais la culture hip-hop. Je me suis dit que si je ne pouvais pas être un artiste, peut-être que je pourrais m’impliquer dans l’industrie », explique le promoteur indépendant.

Rickey D a amorcé sa carrière en faisant la publicité pour un ami DJ qui habitait le même immeuble. Il s’est fait connaître en distribuant des flyers aux quatre coins de la ville. Il organisait avec succès des partys hip-hop et il a même rempli le Métropolis à quelques reprises.

Avec son partenaire Garry T, Rickey D organise son premier spectacle en 1985 au 1234 Night Club avec le groupe rap américain Run-DMC. Parallèlement à l’organisation de concerts, il étudie en géographie/urbanisme, occupe un emploi dans un fastfood et pratique le basketball.

Pour le booker, il était plus facile d’organiser des spectacles de hip-hop puisque les coûts logistiques sont moins élevés que pour programmer un band de rock. Chaque dollar gagné avec les spectacles était réinvesti dans l’organisation d’autres événements. Ricardo Daley n’est donc pas devenu riche avec le hip-hop. Son objectif a toujours été de faire émerger le rap dans la métropole. Il nous confie occuper un autre emploi à temps plein dans un hôpital pour subvenir à ses besoins.

Dans le passé, Rickey D a organisé plusieurs événements avec des grands noms tels que Chubb Rock, Big Daddy Kane, Ice Cube, De La Soul, A Tribe Called Quest, LL Cool J, the Roots, Nas, Method Man, Das-EFX, Redman et Jay-Z. Il a aussi organisé des spectacles avec des pionniers du rap queb comme KC L.M.N.O.P et Mouvement Rap Francophone. Il explique avec humilité qu’il a organisé le plus gros événement hip-hop au Canada en 1990 : un concert au Forum avec The Fuggees et Cypress Hill.

Le promoteur raconte avec fierté le moment où il a booké Public Enemy au Rialto. Ce soir-là, la salle était bondée et le groupe était bloqué à la frontière américaine puisque le rappeur Flavor Flav y était retenu. Pour éviter l’émeute, des agents de la paix ont conduit les rappeurs de Public Enemy de la frontière directement sur la scène du Rialto. Le spectacle terminé, les policiers ont reconduit les artistes en territoire américain. Les débordements ont ainsi été évités.

Rickey D explique avec précision le moment où il a tout tenté pour convaincre Notorious B.I.G de performer à Montréal. L’unique spectacle de Biggie Smalls au Canada, à Toronto, s’était mal déroulé. Il acceptait de revenir au pays, à Montréal, seulement s’il était accompagné de son entourage. Le jour du spectacle, qui était sold-out, la plupart des membres de l’équipe de Biggie sont refusés aux douanes puisqu’ils avaient de lourds casiers judiciaires. Rickey D n’était pas le promoteur du spectacle et n’avait aucune idée de qui était Biggie Smalls, mais il a dû se rendre à Plattsburgh à la demande de son ami Garry T pour convaincre le célèbre rappeur de venir seul à Montréal. Il a tenté de l’attiser avec des femmes en lui promettant du bon temps. « Je me suis fait claquer la porte au nez et il a dit Fuck Canada! », se désole-t-il. Le concert annulé aura créé une émeute à la sortie Métropolis.

Une opportunité historique pour le rap francophone

Ricardo Daley est maintenant âgé de 50 ans. Il demeure un fin observateur de l’industrie. Malgré son amour pour le son old school, il apprécie l’évolution de la scène. Il constate la popularisation de rap chez les jeunes Québécois.

Le booker se réjouit du succès des rappeurs ayant une image plus propre comme Loud ou les Dead Obies. Il ne cache pas son enthousiasme pour la popularité du street rap partout sur le territoire québécois. Il qualifie cela de phénomène exceptionnel. Il donne en exemple les rappeurs du collectif 5Sang14 qui arrivent à remplir aisément le Club Soda à Montréal. « C’est le bon moment pour être un rappeur francophone au Québec, c’est l’opportunité d’une vie », affirme le promoteur indépendant.

Transmettre la culture

L’essor du rap est réjouissant pour le promoteur, mais il s’inquiète qu’on oublie d’éduquer un nouveau public fervent de musique urbaine. « On doit expliquer aux jeunes d’où vient le rap. Il faut enseigner l’histoire du hip-hop, transmettre la culture, parler de graffiti et breakdance », affirme Rickey D.

Il croit que certains promoteurs vont sauter sur l’occasion pour faire de l’argent sans se soucier de faire rayonner la culture de la rue. Il craint qu’on tente de détruire le hip-hop à force de trop le commercialiser. Pour lui, la protection de la culture passe par la création d’espaces de diffusion hors des canaux mainstream. Il ajoute que c’est le rôle des médias spécialisés en hip-hop de faire rayonner le rap local, francophone et anglophone. « Les nouveaux artistes et les vétérans ont besoin de nous pour maintenir le hip-hop en vie », commente Rickey D.

Bien qu’il se considère comme un vieux monsieur, Ricardo Daley n’a pas l’intention de quitter la grande famille du hip-hop montréalais. Il va demeurer dans l’industrie tant qu’il aura la flamme. « Le hip-hop m’a permis de sortir de la rue, ça m’a donné la confiance que je pouvais faire partie d’une communauté », témoigne celui qui souhaite transmettre ses connaissances aux jeunes générations.

Hier, Rickey D a justement annoncé la venue du rappeur français SCH en octobre 2019 au Québec. Il s'agit de la première fois que le rappeur sera de passage chez nous.

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