La semaine dernière, Vulguerre, de l'émisison Sur le corner en direct, a publié des captures d'écrans avec plusieurs montants d'argent. Il s'agissait des subventions qui étaient accordées à certains artistes issus du hip-hop québécois. Devant les chiffres de Musication et Fonds RadioStar, la scène hip-hop s'est attisée et des critiques sont venues de tous les côtés. Certains parlaient de montants trop élevés, d'une industrie trop «blanche» ou encore d'un comité de sélection composé des leaders principaux des labels. Pour remettre les pendules à l'heure, Carlos Munoz, du label Joy Ride Records, a accepté de répondre aux questions de Ghetto Érudit à ce sujet. On résume maintenant les grandes lignes.

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Des structures peut-être plus accessibles que les associations anglophones

D'emblée, il faut préciser que Musication et Fonds RadioStar sont des organismes qui aident la musique francophone. Néanmoins, il existe des associations pour la musique anglophone. Factor, par exemple, est un organisme qui soutient le développement de la musique anglophone au Canada. Situé à Toronto, Factor reçoit des demandes provenant de partout au Canada. Il est donc possible d'éprouver des difficultés à obtenir des subventions puisque le tout est centralisé à Toronto. Au passage, Carlos Munoz précise qu'il demande des subventions pour des projets anglophones depuis plus de 10 ans, mais n'en a jamais reçues. Factor est donc plus contingenté puisqu'il y a plus de demandes.

Des subventions pour tout le monde

À la question ethnique et d'un marché «trop blanc», Carlos est catégorique. Il ne croit pas du tout que des artistes sont priorisés devant d'autres. « Regarde-moi. Je ne m'appelle pas Tremblay. Mon nom est Carlos Munoz. Je viens d'une famille qui était réfugiée politique. J'ai fait mon petit bout de chemin comme n'importe qui d'autre peut le faire », précise le gérant et producteur.

Le magnat du rap québécois est donc convaincu que ce système est ouvert à tous. Au passage, il rappelle qu'il y a divers programmes chez Musication, dont un volet qui est fait pour les artistes qui sont en début de carrière. Les artistes qui ne sont pas associés à une maison de disques peuvent faire leurs demandes comme tout le monde.

De son côté, fonds Radiostar exige, pour renouveler une enveloppe, que les producteurs reconnus doivent sortir des albums d'artistes émergents. « Dans la grille d'évaluation, il y a un truc qui vaut beaucoup de points : sortir des premiers ou deuxième album. C'est comme ça parce qu'ils veulent éviter que les maisons de disques et les producteurs s'assoient sur leur laurier et produisent uniquement des albums des artistes qui fonctionnent bien. Ils veulent continuer à encourager un écosystème qui année après année va amener du renouveau », explique le patron de Joy Ride Records.

Carlos rappelle que tout le monde peut prendre le téléphone comme il le fait depuis 15 ans. « Il existe même des consultants qui peuvent aider les artistes. Il y a les moyens et les recours nécessaires pour faire ce qu'il faut faire », dit-il.

Des enveloppes généreuse, mais importantes

Si les subventions accordées à certains artistes paraissent énormes, les patrons de compagnies disques disent qu'elles sont nécessaires.

« Les gens vivent dans l'optique qu'ils peuvent produire de la musique gratuitement. Tu ne peux pas constamment demander de la gratuité autour de toi, ni approcher des gens qui consacrent leur vie à composer de la musique et leur dire : donne-moi tes beats gratuitement. Tous les gens qui travaillent autour de nous sont payés », indique le producteur.

Avec une subvention, on peut donc payer tous les intervenants d'un album, y compris les featuring. Les artistes qui bénéficient de subventions peuvent également se permettent des vidéoclips de qualité en engageant tout le staff nécessaire : caméraman, réalisateurs, directeurs photo, directeurs et assistants de production, maquilleur, chorégraphe, maquilleur, costumier, coloriste, etc. Tout cela coûte des dizaines de milliers de dollars.

« Si tu veux permettre à tes artistes de se dépasser, il faut qu'il y aille une certaine aide financière. Tu dois avoir le moyen de tes ambitions. Moi, quand Loud me demande : ‘’Pour mon prochain clip, j'aimerais ça me mettre en feu’’. Je pense qu'il y a aucune personne dans la pièce qui peut dire : prends une canne d'essence pis on va allumer notre patnè », résume ironiquement Carlos Munoz.

Un comité de sélection spécialisé

La première chose qu'il faut comprendre selon le principal intéressé est que les demandes sont évaluées devant des gens qui n'ont aucune idée du plan d'affaire ou de l'environnement professionnel qui entoure le projet. Un jury spécialisé reçoit les chansons - trois chansons avec les textes - sans même savoir le nom de l'artiste et évalue la qualité artistique du projet.

« Tout le reste qui est critiqué, vient après. Si tes chansons n'ont pas le note de passage. Ton plan d'affaire et le professionnalisme de l'artiste ne sont même pas évalués », précise le producteur.

Carlos Munoz reconnait qu'il a déjà été juge. Cependant, il l'a été au moment de devenir producteur reconnu, alors que ses chansons n'avaient plus à être jugées puisqu'il avait atteint un statut supérieur. Effectivement, Carlos Munoz, comme plusieurs de ses collègues, reçoit maintenant directement des subventions sans avoir à faire de demandes. C'est aussi le cas de Steve Jolin de 7ième Ciel Records. Joy Ride, anciennement connu sous le nom de Silence d'Or, a pris plus de 8 ans avant de réussir à remplir les conditions exigées par Musication et Fonds Radiostar, à savoir un certain nombre d'années d'existence, de copies vendues, de projets commercialisés et un certain nombre d'artistes reliés à sa compagnie.

Puisque ses albums n'ont plus à être soumis à un jury, Carlos Munoz estime qu'il peut être dans le jury en question sans rencontrer de conflit d'intérêt. Selon les propos retenus à Ghetto Érudit, on comprend aussi que le produteur n'a rien contre le fait qu'un «compétiteur» juge le travail de d'autres artistes hip-hop.

Finalement, concernant son statut de producteur reconnu, Carlos Munoz précise qu'il peut perdre son statut à tout moment. Effectivement, une compagnie est réévaluée chaque année. « Ce matin, j'ai appris que mon statut de producteur reconnu n'a pas été renouvelé chez Fonds Radiostar, parce qu'on a pas sorti assez d'albums. Alors ceux qui pensent qu'on fait partie d'une sorte de clique ont tort », conclut celui qui a lancé deux albums et trois EP en 2017.

L'intégrale de l'entrevue est disponible au lien suivant : http://podcast.cism893.ca/podcast/download_mp3/175569.mp3

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