À la fin avril s’achevait la toute première tournée du rappeur Izzy-S. Il a donné une série de sept spectacles pour défendre son premier album Empire paru le 30 novembre dernier. Il a visité St-Jérôme, Sherbrooke, Québec, St-Jean-Richelieu, Chicoutimi, Lavaltrie et Ottawa. Chose rare pour un rappeur originaire du quartier Saint-Michel à Montréal. HHQc a profité de cette occasion pour échanger avec lui sur son parcours et sa musique. On connaît le MC pour son flow naturel, fluide et ses textes soutenus. Il nous partage ses réflexions avec humilité et intelligence.

Izzy-S est satisfait de cette première tournée en carrière comme artiste indépendant. Celui qui a refusé de signer avec un label majeur jusqu’à maintenant était attendu par ses fans aux quatre coins du Québec. Ses textes accrocheurs ont su captiver les adeptes de hip-hop hors de la région montréalaise.

L’artiste a aimé parcourir la province et constater la beauté de ses paysages pour faire entendre son art. Il a découvert des cultures qui étaient inconnues pour lui. « Je ne pensais jamais mettre les pieds là-bas. C’est le genre d’endroit que tu vois à la météo », commente-t-il.

Izzy-S a été surpris que les fans situés à des centaines de kilomètres de Montréal connaissent ses paroles. « C’était nice, car le monde me reconnaissait. Ce sont vraiment des places à découvrir parce que c’est vraiment loin. Savoir que ma musique se rend là-bas, c’est comme un props à mon travail. »

Un rappeur montréalais

Izzy-S se définit comme étant un rappeur francophone montréalais plutôt qu’un rappeur québécois. Il sent parfois que le Québec ne veut pas de lui. Il a l’impression qu’il devrait se conformer à une culture et se mettre à parler joual pour être considéré comme Québécois : « Montréal, c’est différent du reste du Québec. C’est en faisant ma tournée que j’ai compris ça. »

Hors de ses spectacles, le MC a senti que parfois sa couleur de peau dérangeait. Lors de son Empire tour, un parfait inconnu lui a fait un doigt d’honneur sur la rue. « Je me faisais regarder bizarre, j’étais comme la tache dans le verre de lait », témoigne-t-il.

Écrire pour libérer sa colère

Pour Izzy-S, tout a commencé dans le quartier St-Michel à Montréal vers l’âge de dix ans. Sous la pression de son grand-frère, il a fait ses premiers pas dans le rap. « Lui, il écrivait et il me forçait à faire des freestyles. Au début, je n’aimais pas ça, car j’étais nul. Chaque fois, je m’améliorais et depuis, je n’ai jamais arrêté. Mon frère ne rappe plus, mais moi j’ai gardé la flamme », explique le MC.

Le rap est un véritable exutoire pour l’artiste au talent brut. Il confie avoir eu son lot de problèmes dans sa jeunesse, notamment avec l’école et l’autorité. Il a su verbaliser ses émotions grâce à la musique.

Izzy-S ne cherche pas à faire des punchlines ou héroïser son vécu. Pour lui, la colère est autodestructrice et l’incite à faire de mauvais choix. « Je fais du rap pour m’exprimer. Si je ne rappe pas, j’ai pas de moyen de sortir ma colère et si je la garde en moi, c’est là que ça peut devenir dangereux ».

Le rappeur est apprécié pour son authenticité. Il rappe son vécu avec habileté, il s’exprime sur la dureté de la rue, sans glorifier la violence. Il n’invente pas des histoires pour plaire aux fans, et n’incarne pas de personnage.

La chanson Confession sur l’opus Empire est la préférée d’Izzy-S. Elle témoigne de son état d’esprit.

« J'rap la violence parce que c'est ça que j'vis / J'peux rien inventer d'autre / J'suis du genre qui fait du mal pour lui / Mais du bien pour les autres / J'ai rien volé, à chaque jour c'est Dieu qui donne / C'est aussi Dieu qui reprend / Mais pour l'instant tout est bon / Toujours armé, beaucoup aimeraient me voir dans un cercueil / En attendant ce jour, j'me confie avec un crayon, une feuille / Ça fait beaucoup de temps que j'n'ai pas réellement fermé l'œil / Alors ce soir j'achète une bouteille ».

Le rappeur ne souhaite pas être un exemple pour la jeunesse. Il est le premier à dire aux jeunes de ne pas lâcher l’école, de prendre soin de leur famille et de laisser faire le gang. « Si je peux aider les jeunes et leur dire de faire les bons choix, je vais le faire, mais je veux pas être un modèle à suivre. »

Il y a deux ans, on tentait de l’assassiner en pleine rue. Il s’agit d’une expérience marquante pour le jeune de 22 ans qui ne cherche pas à être reconnu pour ça. « Il n’y a rien de valorisant à se faire tirer ou se faire arrêter. Il y en a qui se servent de ça pour prendre du grade, pour monter la tête des jeunes. À la fin de la journée, si ta mère ne peut pas être contente toi, c’est que tu sais qu’il n’y a rien de bon là-dedans. » Il ne cherche pas à marquer l’histoire. Sur la chanson Barca, il nous balance : « Rien à foutre de mourir ou pas comme une légende. »

Rap conscient ?

On connaît Izzy-S pour la qualité de ses paroles et pour ses réflexions pertinentes sur la rue et son vécu. Le MC ne cherche pas pour autant à faire du rap conscient. « Souvent, on me dit que mon rap est politique, mais moi je ne vois pas où », s’étonne celui qui nomme le rappeur français Youssoupha comme influence marquante.

Lorsqu’on lui fait remarquer que ses textes sont engagés, car il partage ses prises de conscience, il affirme qu’il ne fait que parler de son expérience de vie. « Je ne rappe que mon histoire. Je suis jeune, mais j’ai une longue histoire. » Il ne se considère pas engagé, car tout ce qui compte pour le rappeur c’est « sa famille et ses gars ».

En ce moment, Izzy-S travaille sur des singles qui paraîtront dans les prochains mois. Il nous promet aussi quelques clips pour la saison estivale. Il nous indique qu’on peut annoncer à ses fans un feat avec le rappeur Souldia. Dans le cadre de la série de spectacles Saintrapez, Izzy-S, sera sur scène avec Salimo le 7 septembre à Ste-Thérèse.

Nous avons été impressionnés par le calme et la maturité de l’artiste. Il n’a pas de plan de carrière ou de stratégie médiatique. Il exprime simplement sa réalité pour exister hors de la rue. Il affirme que sans la musique il serait probablement mort ou en prison.

Lorsqu’on le questionne sur son avenir, il se permet tout de même de rêver à une tournée européenne et être bien présent dans l’industrie du hip-hop.

Photo : Archives Izzy-S

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