Lettre ouverte de Gabriella Kinté, militante anti-raciste.

Depuis peu, une dénommée Chloé KDL fait irruption sur le web avec une expression d’inspiration créole (haïtien) : « palé kaka dans l’aile, timoun grizon ». À proprement parler, cette phrase signifie « dire de la merde (sur quelqu’un ou quelque chose) dans le quartier, enfant hideux ».

La femme, visiblement pas haïtienne, affirme avoir des parents noirs. Récemment, elle a publié plusieurs vidéos pour finalement devenir virale auprès de la communauté hip-hop locale. Elle s’est fait repérée par quelques artistes, dont Tizzo qui l’a encouragé à rapper ou encore Demon DOA qui vient tout juste de s’offrir un duo avec la principale intéressée. Dimanche, Chloé KDL a effectivement publié la chanson Parler caca dans l’aile, en featuring avec le rappeur Demon DOA. 

Depuis sa sortie, la chanson a fait beaucoup de bruit. Plusieurs personnalités de la scène hip-hop ont réagi, dont le rappeur Paranoize ou encore la chanteuse Tammy Tuesdayz. Ils notent alors un manque de respect, un racisme ou encore une moquerie envers la culture haïtienne.

[ae-fb-embed url='https://www.facebook.com/100029822213010/videos/252042779133127/' width='500']

Une moquerie flagrante

Le commentaire qui me force à sortir de ma grotte est celui d’un homme (blanc) mort de rire parce qu’elle parle « comme une femme noire ». En tant que féministe noire, il m’est impossible de ne pas me prononcer devant tout ce ridicule. Son faux accent est une moquerie flagrante pour mes consoeurs.

Tes parents sont noirs Chloé? Vraiment. Ok, Rachel Dolezal.

Se vanter d’avoir des parents noirs, ou pire s’auto-identifier comme Noire alors qu’on est Blanche, c’est le comble du ridicule dans les circonstances sociales actuelles où il y a un rapport inégalitaire entre les personnes blanches et racisées. Les artistes féminines noires au Québec sont souvent oubliées, voire complètement effacées. Si une « vraie » femme noire avait été celle à partager cette chanson, serait-elle autant valorisée? Probablement pas. 

De plus, se vanter d’avoir des parents noirs ne rend personne légitime d’emprunter une culture qui ne lui appartient pas. Est-ce la culpabilité qui lui fait répéter autant que ses parents sont noirs ou essaie-t-elle de se convaincre elle-même? 

Au Québec et ailleurs, les femmes noires sont étiquetées avec divers stéréotypes comme celui d’être « ghetto » ou de provenir de milieux criminalisés. Cette vidéo contribue à perpétuer ces stéréotypes « raciaux », puisque certaines personnes retiennent qu’elle se « comporte comme une femme noire ». Comme si les Noirs avaient une façon propre et particulière d’agir...

La performance de la chanson, et de ses vidéos en général, est un exemple parfait d’appropriation culturelle, c’est-à-dire l'emprunt de codes étrangers à des fins de réalisation de soi, de gain de capital social et/ou financier. 

Elle ne comprend peut-être pas la portée d’un geste pareil et ce n’est peut-être pas intentionnel, mais elle compte sur des éléments du rap, comme ses expressions, ses thèmes et son rythme pour propulser son personnage.

J’ai aussi l’impression qu’elle a décidé de prendre des aspects de « l’identité » noire afin de se sentir transgressif. Elle répète probablement ce qu’elle a entendu de personnes noires qu’elle idéalise. Il n’y a rien de plus wrong.  

Dès qu'elle arrêtera de jouer à ce jeu, Chloé pourra être perçue comme une douce professionnelle. Elle ne fera jamais face à certains stéréotypes que vivent les personnes noires. Aussi bien qu'elle retourne rapidement à ses occupations.

Page d'accueil