Rappeuse noire anglophone montréalaise. Ce n’est pas toujours un titre facile à porter pour une artiste qui oeuvre dans le rap québécois. Pourtant, c’est bien la réalité de Tyleen, qui proposait son premier projet en carrière, le EP Fanta$y, il y a un peu plus d’une semaine. La MC signée chez Make It Rain Records qu’on a découverte sur la pièce Plan$ de Joe Rocca passe donc un cap avec ce EP où on découvre une rappeuse décomplexée, moderne et terre à terre. Rencontre téléphonique avec l’artiste de Lasalle.

En conversation comme dans ses chansons, Tyleen donne une impression de légèreté. Si sa musique ne pousse pas aux réflexions profondes, elle permet plutôt de se laisser aller aux sons de basses lourdes et de la voix un brin nonchalante mais déterminée de l’artiste. Sur Fanta$y, cela donne une collection de six pièces homogènes qui présentent un univers musical conséquent et maîtrisé.

Assumer ses forces

Cet univers musical est parfois malheureusement relégué au second rang par le public rap d’ici, car Tyleen n’hésite pas à se dénuder devant l’oeil de la caméra, ce qui fait parler car la pratique est moins commune que sur la scène américaine, par exemple. Cependant, elle ne le fait pas par désir d’attention, mais bien parce qu’elle assume pleinement qui elle est. La rappeuse ne se gêne pas d’afficher ses préférences sexuelles dans sa musique, et si cette ouverture peut déranger, elle se veut aussi une démonstration de la force d’une femme qui décide d’assumer ouvertement son amour de la chair.

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« C’est un peu malheureux, mais c’est vrai qu’en tant que femme dans l’industrie de la musique, je vois l’importance du sex appeal, et je décide de l’utiliser à mon avantage », explique la rappeuse. «Et moi, je suis confortable avec ça, avec mon corps. Je ne dis pas que toutes les femmes doivent faire ça, mais je sais qui je suis. Les gens peuvent penser que je ne compte que sur mon physique, mais c’est mal me connaître. »

Tyleen continue donc à avancer sans porter d’importance aux opinions de ceux qui ne jugent . Avec un style axé sur un débit sirupeux livré sur des basses bien saturées, elle semble taillée pour le marché actuel du rap. Qu’importe de ceux qui ramènent tout au physique de l’artiste.

« Certaines personnes disent que je ne serais pas aussi populaire si je n’étais pas à moitié nue dans le clip de $HUT IT DOWN, mais la version audio sur les services de streaming a des meilleures statistiques que le clip! » argumente Tyleen de façon convaincante. « Puis de toute façon, je ne peux pas satisfaire tout le monde, mais je sais qu’il y a des gens qui croient vraiment en moi et c’est pour eux que je fais ce que je fais. »

Bien s'entourer, ici comme ailleurs

Celle qui poursuivait des études en infirmerie lors de l’enregistrement de Fanta$y peut compter sur l’équipe de Make It Rain pour poursuivre son chemin dans le monde du rap. Elle remercie surtout VNCE Carter qui a eu un rôle crucial à jouer dans le développement de son style.

« On pouvait passer huit, dix heures en studio ensemble à juste créer des sons, à travailler des flows, raconte-t-elle, et c’est vraiment son travail et sa confiance qui m’ont permis d’évoluer en tant qu’artiste, alors je lui dois beaucoup, et je lui dis tout le temps, même s’il refuse le crédit! »

Finalement, c’est peut-être que les deux artistes se sont bien trouvés. Si Tyleen peut se vanter d’avoir un trio de producers exceptionnels pour ce premier EP (VNCE Carter, Tommy Kruise et Charlie Shulz), c’est avec le membre de Dead Obies qu’elle a travaillé pour raffiner son approche à la musique. Alors que Tyleen commence à récolter les fruits de ce travail, la rappeuse garde toutefois les pieds sur terre, elle qui se dit encore surprise que des gens puissent s’intéresser à son travail et à sa vie.

La rappeuse promet de continuer à avancer pour ceux qui la soutiennent et qui lui donnent de la force, à Montréal évidemment mais aussi aux États-Unis où son fanbase prend de l’ampleur. Pour que son mouvement continue à prendre de l’expansion, Tyleen ne compte pas s’arrêter là.

« C’est fou, parce que c’est difficile pour les artistes anglophones à Montréal, mais par exemple, on m’écoute déjà pas mal à Los Angeles, alors je veux bâtir là-dessus », explique-t-elle avec ambition. « Puis, j’ai plein d’autre musique à sortir. Ç’a été tellement difficile de juste faire la playlist de Fanta$y parce que je devais mettre des chansons de côté. Mais je veux sortir tout ça bientôt. »

D’ici là, vous pouvez découvrir l’univers de Tyleen avec Fanta$y, disponible sur toutes les plateformes de streaming.

Photo : Pegah Farahmand-Mobarekeh

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