Pour beaucoup d’artistes, la volonté de repartir à zéro vient d’un besoin de chasser le passé, d’y laisser des échecs bercés par des décisions créatives qui se sont avérées mauvaises. Pour MB, il s’agit plutôt d’une chance de revoir sa façon de travailler, de se donner les moyens d’être pleinement fier de sa musique.

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À l’écoute de À Zéro - qu’il décide de qualifier de mixtape, mais travaillé comme un album - il ne fait aucun doute que ce projet lancé aujourd'hui fait office de vrai redémarrage en trombe pour le rappeur du collectif 5sang14. Rejoint au téléphone, il nous en a dévoilé un peu plus sur cet album qui arrive dans un contexte particulier, mais plus favorable que jamais à la propagation de musique de qualité.

Revoir l’approche

« Je ne sais pas quelles répercussions cette tape aura sur ma carrière, mais une chose est certaine, on a respecté ce projet. »

Ces paroles prononcées par MB au téléphone résument bien l’approche d’un artiste dont on attend énormément. Il faut dire que depuis Sourire kabyle, son dernier projet sorti en 2018, MB et son collectif ont fait du chemin. On y retrouve beaucoup de positif, certes, mais aussi de nombreux changements, autant dans l’approche créative que dans l’équipe de gérance du rappeur, par exemple. Au centre de tout ça, une volonté grandissante de vouloir maîtriser son art.

« J’ai vraiment appris à faire de la musique, » explique-t-il avec humilité. « Je suis allé en France et j’ai aimé comment les gens travaillent là-bas. Les rappeurs sont en studio avec les producers, ils adaptent la musique ensemble. En général, les artistes sont beaucoup plus impliqués dans tout le processus de création et je me suis inspiré de ça. En revenant, je suis reparti à zéro, de là le titre de l’album. »

Alors qu’on connaissait déjà MB pour sa voix et ses mélodies, on entend effectivement sur À Zéro un artiste en pleine possession de ses moyens, à la voix limpide et parfaitement cadrée dans des productions adaptées sur mesure à ses forces.

« Tout ça, c’est parce que je me suis impliqué sur toutes les facettes de l’album : production, enregistrement, mix, mastering, etc.. Avant, j’avais du mal à expliquer aux ingénieurs ce que je voulais, mais maintenant, j’ai appris. Donc même s’il y a eu deux ingés son qui ont travaillé sur le projet (Toosik et le duo High Bridges composé de Fifo et Nabil), tu n’entends pas la différence entre les mixes parce que je savais exprimer ce que je voulais. C’est là que tu commences vraiment à avoir du plaisir, quand ça devient plus que toi qui chante et que tu définis ton son au complet. »

Tout ce processus ne s’est pas fait en un jour, et le travail sur À Zéro a commencé il y a plus d’un an. Mais c’est réellement l’été dernier que la sauce a pris.

« Tout le monde se confine en ce moment, mais nous le confinement, il a commencé cet été », blague le rappeur qui parle de cet album avec fierté. « J’arrivais en studio sans plan précis, je m'asseyais avec les producers et on créait tout de a à z avec des toplines, alors qu’avant j’écrivais beaucoup d’avance, chez moi. C’était important pour moi de prendre le temps de faire mon premier projet sérieux pour poser les bases, d’arriver avec une vraie image propre, et donc c’est le premier projet dont je suis réellement fier. »

La France au feeling

Généralement peu avare de collaborations en dehors du 5sang14, MB a cette fois ouvert la porte un peu plus grand, notamment aux français Kpoint et Cheu-B. Si ces featurings peuvent avoir un impact sur la popularité du rappeur en Europe, il n’ont toutefois pas été abordés dans cette optique, même si on sent que « Olala » en compagnie de Kpoint pourrait convaincre des deux côtés de l’Atlantique.

« Avec Kpoint et Cheu-B, à la base, on a une vraie relation, c’est pas des feats pour faire du buzz. De toute façon, j’ai l’impression qu’on est au même niveau, eux et moi, alors on s’entraide », avance MB. « On a fait ça ensemble, au feeling. Par exemple, le son avec Kpoint, c’était du freestyle en studio. Il jouait de la guitare et moi, j’ai freestylé le oh la la la. Puis tous ses gars l’ont chanté avec moi, il y avait un vibe! J’ai fait d’autres feats avec des artistes français, mais j’ai gardé ceux avec qui j’avais un vrai feeling, les gars avec qui je parle. »

Si on mentionne aussi souvent la France à MB, c’est qu’il a un style qui semble taillé sur mesure pour la scène hexagonale. Sauf qu’aux yeux du principal intéressé, si la France reste un marché important, son approbation n’est pas obligatoire.

« Bien sûr qu’on veut aller en France, mais attention, on est pas obligés d’être validés par la France non plus. On fait notre travail, on espère ouvrir des portes là-bas mais on se rappelle d’où on vient. Parce qu’en vérité, les français sont chauds sur le Québec aussi, ils sont vraiment down avec notre slang. »

Une polyvalence homogène

Sur À Zéro, on retrouve un MB qui continue d’élargir le type de productions sur lesquelles il vient poser sa voix mélodieuse. Ses intonations sont variées et évoluent au long des chansons qui cadrent bien ensemble sans jamais sembler répétitives, et qui surprennent parfois, à l'image de la très rythmée « Lannister ».

« Le but, c’était de monter un catalogue varié, où chaque son est différent mais conséquent dans mon univers. En vrai, j’ai voulu donner le meilleur de moi sur 16 chansons, vraiment laisser les gens entrer dans mon délire. »

Les apparitions des autres membres du 5sang14 viennent rappeler la force singulière de ce groupe dont tous les artistes se démarquent en solo, mais qui deviennent encore plus forts lorsqu’ils sont rassemblés. Selon MB, on peut s’attendre à un retour en force du groupe, tant en solo qu’en tant que collectif.

« À chaque mois, on va arriver avec des choses. Finalement, il n’y a pas de meilleur moment pour sortir des sons : les gens ont du temps pour écouter de la musique et nous, des choses à faire entendre. Alors on ne s’arrêtera pas. Autant moi que le collectif. On est prêts.»

La preuve sur À Zéro, disponible partout à partir d’aujourd’hui.

Photo : Alexandre Louis (@louisourien)

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