Ce matin, nous avons appris que MusiquePlus rendrait définitivement l'âme après plus de 33 ans d'activités. Groupe V Média, propriétaire de la marque, a effectivement décidé d’abandonner la mythique chaîne télé pour en créer une toute nouvelle, qui diffusera des séries et des films « dédiés aux femmes ».

Même si la chaîne n'est plus ce qu'elle était depuis un bon moment. Il ne faut pas oublier ce qu'elle a déjà été. Pour HHQc, MusiquePlus a représenté rien de moins que la plateforme la plus importante pour le rap québécois. Elle a aidé à la démocratisation du hip-hop d'ici, en plus de faire des rappeurs québécois de réelles vedettes alors que tous les médias les ignoraient pratiquement. Tour de piste avec quelques rappeurs québécois et ex-employés de Musique Plus.

« J'ai animé de 2000 à 2007 et Marième m'a remplacé, mais c'est KC LMNOP qui a commencé tout ça. Il animait Rap Cité [au début des années 1990]. Lorsque Rap Cité a arrêté, j'ai commencé comme recherchiste à l'émission Hip-Hop », précise le populaire animateur Malik Shaheed. « Moi, j'ai animé l'émission L'Heure Hip-Hop pendant 3 ans, de 2007 à 2010 », précise quant à elle la chanteuse, journaliste et animatrice qu'on peut entendre sur la pièce Le Sablier avec Souldia et Izzy-S.

Les deux anciens employés de la chaîne s'entendent pour dire que MusiquePlus a été la plateforme la plus importante pour le hip-hop québécois à une certaine époque. « Les radios ne jouaient pas de hip-hop et les college radios n'étaient pas assez puissantes », indique d'emblée Malik Shaheed. « Donc, c'est sûr que MusiquePlus a aidé à augmenter l'intérêt du mouvement hip-hop québécois dans les années 2000. », poursuit-il. « J'étais seule animatrice et recherchiste, ajoute Marieme. J'avais un réalisateur, mais je décidais de tout. Il y avait des nouveautés que je devais jouer, sauf que je faisais beaucoup de place au hip-hop québécois parce que c'était la seule plateforme qui existait à la télé normale. C'était un peu ma mission. J'arrivais des Arshitechs du Son à Québec que je produisais. J'ai continué avec MusiquePlus. ».

« Il y avait beaucoup d'émissions thématiques. J'ai fait un spécial rap queb d'hiver où j'amenais des artistes hip-hop faire du snow pis du ski », se remémore Marième. « Ç'a beaucoup aidé les gens à connecter avec les artistes. Ils pouvaient visualiser le swag des artistes », ajoute Shaheed qui se considère très chanceux d'avoir voyagé partout au Québec, en région et en banlieues pour rencontrer les fans.

« J'ai fait pas mal tous les lancements de hip-hop québécois. Des entrevues avec Koriass, Movèzerbe, BBT, SP, Bad News Brown, etc. Je pouvais parler des artistes moins connus, mais il fallait qu'il y ait un clip à MusiquePlus. » À ce niveau Ruffneck, de BBT Wreck Hurdez, qui a profité de deux tournées présentées par MusiquePlus, nous indique que ce n'était pas si compliqué que ça, envoyer un vidéoclip.

« C'est Ralph Boncy qui s'occupait de ça quand j'suis allé porter mes premiers clips. Lui était déjà super ouvert au hip-hop. Dans le temps de Faut que tu le vives, il y avait pas grand chose à part Sans Pression et La Constellation, alors dès que tu arrivais avec quelque chose de professionnel, tout de suite, ils étaient ouverts. Je pense qu'ils voulaient en jouer plus. », explique Ruffneck rejoint au bout du fil.

« MusiquePlus n'avait pas une mentalité de grosse business. C'était quasiment, moi j'appelle ça de même, comme les gars de punk, c'est assez open... Du genre, viens on va parler de musique. Tu arrivais avec ta cassette dans le format demandé, tu remplis un petit formulaire et puis c'était parti. Ils ne nous boycottaient pas pour des niaiseries pis ils ne nous demandaient pas de censurer nos clips non plus », rajoute-t-il.

Même son de cloche du côté de Farfadet qui a été un des rares, mais non pas le seul, rappeur indépendant à jouer en forte rotation à MusiquePlus. « Ils demandaient souvent aux gens les artistes qu'ils voulaient voir pis mes fans envoyaient beaucoup de messages. Je suis rentré par la force des votes », explique le rappeur qui vient de lancer l'album Des fusils et des roses.

« C'était mon objectif ultime de passer à MusiquePlus. Rouler entre Eminem pis Rihanna. C'est là qu'on a attiré, Rymz et moi, l’œil de Silence d'Or qui est devenu Joy Ride. », raconte l'artiste pour qui Ça change pas a complètement changé sa carrière vers 2011.

« Je pense que ça a vraiment mis de l'avant le rap underground. L'émission de freestyle, où on voit des Koriass ou Shoddy, les lancements de rap québécois à MusiquePlus, comme la compilation d'HHQc.com - La force du nombre. », indique celui qui croit que MusiquePlus a également aidé l'ensemble de la communauté hip-hop.

« C'est sûr que pour un artiste émergent, avoir son clip à MusiquePlus, c'était mieux qu'une entrevue une fois de temps en temps dans un gros média. On se retrouvait à tous les jours dans les écrans des gens. Des gens qui ne nous connaissaient pas. », précise Farfadet.

« Passer à MusiquePlus, c'était pas comparable à aucun autre média. Vraiment pas comparable. Un clip jouait juste une fois à Hip-Hop pis j'avais au moins deux personnes qui m'en parlaient au dépanneur. Tout le monde écoutait ça. C'était un énorme avantage. En plus, quand tu jouais là, tes cachets de shows augmentaient tout de suite », explique quant à lui Ruffneck, le patron de BBT Wreck Hurdz.

« C'est plus compliqué maintenant. Il faut passer par Radio-Canada et c'est plus difficile. Musique Plus, c'était plus ouvert à la relève. », pense Fardadet. Selon lui, Musique Plus a laissé un grand vide dans l'industrie de la musique à partir de 2014. En même temps que le départ de Chéli Sauvé-Castonguay et des émissions Palmarès.

En plus de marquer les esprits, la chaîne a donc ouvert des importantes portes au hip-hop québécois. Demandez-le à Marième qui se fait encore appeler «Marième de MusiquePlus» dix ans plus tard. Elle en sait quelque chose. Tout comme Malik Shaheed, Ruffneck, Farfadet et tous les fans nostalgiques attristés par la nouvelle de ce matin.

Crédit photo : Malikshaheed.com

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