Aux dernières élections provinciales, beaucoup de rappeurs ont pris position pendant la campagne. Ils ont entre autres publié des chansons partisanes. Québec Solidaire était alors backé par Dramatik, Option Nationale par Beeyoudee, même le Parti Libéral a eu le support de Dom Porter. Cette année, c'est plutôt tranquille de ce côté; le Bloc Pot a sa chanson officielle, un rap composé par les vétérans Koopsala et Dj Horg avec la candidate de la circonscription Vaudreuil, la rappeuse Oh Mega!, de son vrai nom Camille Piché-Jetté, puis un candidat de Québec Solidaire a fait... son propre rap. Pourtant, ce n'est pas les rappeur pro-QS qui manquent. Ogden, d'Alaclair Ensemble, a d'ailleurs participé au lancement de leur campagne dans Taschereau et un paquet d'autres rappeurs ont pris position en faveur de ce parti. C'est le cas de Webster ou encore de Helmé qui a passé un bon moment de la campagne à partager des publications de Québec Solidaire.

Montage photo : Stacy Bellanger Bien-Aimé

Gabriel Nadeau-Dubois, en entrevue avec le youtubeur Fred Bastien, a avoué que s'il y avait une chanson de rap pour représenter Québec Solidaire, ce serait Ça que c'tait d'Alaclair Ensemble. Un moment très cocasse de la campagne qu'Ogden, du groupe, avait visiblement manqué. « On a jamais fait de commande pour un parti politique pis je ne suis pas sûr qu'on ferait ça. Ç'a même pas rapport avec nos affinités personnelles parce qu'on est tous obviously down avec QS et c'est le parti qui nous rejoint le plus. Il y a pas de tabou là-dessus, mais faire un track... Faudrait qu'il soit vraiment bon pis je pense que c'est tough de le faire », répond-il à ce sujet.

Si on voit moins de rappeurs prendre position, Helmé croit que c'est parce que certains sont peut-être gênés. « Je pense que lorsque tu es rappeur, c’est mieux vu d’être à gauche ou de défendre un parti qui est plus à gauche. C'est facile dire que tu vas voter pour un parti parce que tu es contre les inégalités sociales. Tandis que les rappeurs qui vont valoriser l'argent, l’enrichissement personnel ou qui ont des propos qui vont encourager le libéralisme économique, eux, on va moins les entendre prendre position. Personne va dire : ‘’Moi, je vote fièrement le parti libéral’’. On dirait qu’il y a une petite gêne par rapport aux autres partis. On est moins complexé avec la gauche », croit le rappeur, membre du duo Dézuets d'Plingrés. Koopsala, qui a signé la chanson officielle du Bloc Pot, avoue justement qu'il se garde toujours une gêne pour parler de politique. « Politiquement, j’aime pas trop m’impliquer quand on vient à parler de capitalisme. La politique, je ne veux parler pas de ça publiquement, mais lorsqu’on parle de weed et ce qui s’en vient avec la légalisation, je trouve que le rap a sa place et le moyen de dire ce que le Bloc Pot veut, fait que j'en ai profité pour le faire », avoue le vétéran qui voulait d'abord collaborer avec Dj Horg en signant cette chanson pour le Bloc Pot.

À LIRE AUSSI: Le Bloc Pot fait appel à nos rappeurs québécois pour lancer la chanson officielle du Parti

[adrotate banner="14"]

Webster est probablement le rappeur le plus proche de Québec Solidaire. « J'ai déjà mis plus de temps pour Québec Solidaire. J'ai fait du porte-à-porte et des concerts. Cette année, on me l'a encore demandé, mais mon temps ne me le permettait pas », admet le rappeur qui annulait son vote avant que le parti arrive sur la «map politique électorale».  « À l'époque, Québec Solidaire voulait que je me présente à Limoilou, mais j'avais refusé. J'y ai réfléchi, mais je me sentais pas prêt, pas assez fan de la politique partisane. Pas assez indépendantiste non plus. C'est un parti indépendantiste, pis il faudrait que je convainque les gens que j'y crois. Ce n'est pas le cas. C'est une expérience que je trouvais intéressante sur le plan humain, mais pas au point de tout mettre de côté pour me concentrer là-dessus entièrement », poursuit-il. À ce moment, Webster était à un point tournant de sa carrière. Entre les ateliers, les spectacles et les diverses activités de porte-parole, il reste effectivement peu de temps pour s'impliquer dans un parti politique.

Est-il important pour un artiste de prendre position dans une campagne électorale?

« Ça peut être important, mais je ne pense pas que ça doit l’être. Ce n’est pas un devoir », répond d'emblée Helmé, aussi enseignant au Cegep de Baie-Comeau. « La semaine prochaine, je commence à donner des ateliers de rap et de slam à mes élèves, mais je ne veux pas en faire des Helmé junior », explique le rappeur, qui est reconnu pour ses textes engagés, afin de démontrer qu'il ne croit pas que tout le monde doit être aussi militant que lui. « Lorsqu’on rap, on a une tribune. Si on croit moindrement en un parti politique, ça peut être positif de profiter de cette tribune-là pour encourager les gens à aller voter ou au moins défendre des valeurs auxquelles on croit. C'est un peu comme le phénomène d’influenceurs. Les rappeurs deviennent des influenceurs lorsqu'ils commencent à etre connus et avoir une notoriété. Inévitablement, les gens boivent les paroles de certains rappeurs », poursuit-il. « Je comprends les gens qui ne le font pas [prendre position], mais pour ma part, c'est important de le faire. Le système n'est pas parfait, mais c'est ce qu'on a. Faut mettre du poids comme on le peut », croit de son côté le rappeur très engagé Webster.

En 2008, le duo Taktika a participé à la campagne Lève-toi et vote de Nike-Laos. « À l'époque, et même aujourd'hui, le taux de vote chez les jeunes était extrêmement bas. Moi pis B-Ice, on s'était dit : ‘’si notre génération ne va pas voter, s'intéresse pas à ce qui se passe, aux débats de société, à la politique, nos opinions ne seront jamais représentées au gouvernement‘’. Alors, on voulait se servir de notre porte-voix pour dire : ‘’si tu ne t'intéresses pas à la politique, c'est peut-être le temps que tu le fasses’’. Prendre position, c'est le début de quelque chose pour les citoyens. Le vote, c'est vraiment la base des bases. Après ça, si tu décides de te battre pour une cause, c'est là que tu vas te rendre compte que le vote, c'est rien. Ça arrive juste aux quatre ans. Si tu veux t'impliquer dans des organisations, dans des associations, faire du bénévolat, t'impliquer socialement, c'est là la vraie game. Mais avant d'arriver là, faut intéresser les gens à la politique. Si tu t'y intéresses pas, il y en d'autres qui vont le faire et imposer leurs buts », explique le rappeur T-Mo.

Pour répondre à la question, le membre de Taktika abonde dans le même sens qu'Helmé : « Artistiquement parlant, tu as la chance d'avoir une tribune, d'influencer et d'avoir un porte-voix. Il y a des gens qui vont l'utiliser pour faire rien du tout pis il y a des gens qui vont faire des choses positives. C'est important pour moi que les gens qui m'écoutent s'intéressent à ces débats-là pour qu'on puisse influencer les choses dans le bon sens. Sauf que je suis pour le vivre et laisser vivre, donc ceux pour qui c'est moins important, je ne leur en voudrais pas. »

Page d'accueil