Le deuxième opus de la rappeuse Sarahmée sortira le 5 avril prochain. Irréversible est un album assumé qui fait fi des codes et des sonorités habituelles. Active depuis 2009, l’artiste veut s’imposer sur la scène hip-hop avec un projet polyvalent qui n’est pas du « rap féminin ».

Détruire un mythe

Originaire du Sénégal et présente sur la scène depuis une dizaine d’années, Sarahmée est devenue une figure forte du rap queb. Elle s’est davantage fait connaître par le grand public dans la dernière année : première partie d’Orelsan à Toronto et celle de Random Recipe à Montréal ; collaborations avec Qualité Motel et Marie-Gold ; égérie des cosmétiques Sephora ; participation à l’émission Rentre dans le cercle édition québécoise et participation au festival musical texan SXSW.

Nous avons profité de la Journée internationale des droits des femmes pour discuter avec Sarahmée de la présence des femmes sur la scène hip-hop québécoise. Elle se dit fière d’être une femme qui fait du rap dans un univers majoritairement masculin. Irréversible est une prise de position, c’est la réalité d’une rappeuse qui a su s’imposer, briser les codes et qui s’assume totalement. Le rap peut être un réel tremplin pour s’affirmer et dénoncer, mais l’on a tendance à mettre toutes les femmes qui rappent dans une classe à part.

Pour l’artiste, il faut cesser de mettre dans la même catégorie toutes les femmes qui font du rap. « Quand on me colle l’étiquette de rap féminin, ça m’énerve vraiment. Le rap féminin n’existe pas, le rap n’est pas plus féminin que masculin. C’est parce qu’on est des femmes qu’on est catégorisée par notre genre, ça nous met dans une case à part. Ça crée des barrières ».

Elle ajoute qu’il faut décloisonner la scène pour présenter des spectacles qui témoignent de la diversité du rap queb. « Je pense qu’un show de rap féminin n’a pas lieu d’être. Je trouve ça désuet. On fait des shows où l’on met de l’avant des artistes tout simplement. La musique n’a pas de genre », précise celle qui n’a jamais voulu faire du rap « de femmes ».

Sarahmée ne s’est jamais sentie exclue du milieu du hip-hop, mais elle reconnaît qu’elle a eu besoin de performer davantage pour faire sa place. « Dès que tu es indépendante, que tu as confiance en toi, que tu sais où tu t’en vas, tu es déjà considérée un peu comme une menace. Tu deviens inébranlable et les gens sont déstabilisés », confie la rappeuse.

Diversifier la scène

Sarahmée s’enthousiasme de la percée du rap québécois dans les médias mainstream et la radio commerciale. Elle souhaite aussi que la scène se diversifie. « On voit tout le temps les mêmes, tant mieux pour eux. Il serait le temps de varier. On ne peut plus ignorer les artistes qui font 8 millions de stream, plein de clics sur YouTube et qui remplissent les salles ».
La rappeuse suggère que l’industrie organise davantage d’événements célébrant la réalité de la scène queb. Elle souhaite que les fans des différents artistes se mélangent. Elle rêve de partager la même scène que Loud, Koriass, Tizzo et Lost. « C’est ça que les gens veulent, si tu fais un show avec ces artistes-là, les gens vont devenir fous, ça va être fou, qu’est-ce que vous attendez? ».

Nouvel album

Pour produire Irréversible, Sarahmée a passé près d’une année en studio à faire un travail de moine. « Pour l’album, ça a pris du temps avant que je trouve le son. Toute l’année dernière, j’ai fait de la musique. J’ai fait du studio en solo pendant des heures et des heures ».

Elle a trouvé sa zone d’écriture et le projet s’est matérialisé lorsqu’elle a fait fi de l’opinion des autres. « Le jour où j’ai dit que je n’en ai rien à foutre de l’avis des gens, c’est là que ça s’est concrétisé », commente la rappeuse.

Pour ce deuxième album en carrière, Sarahmée nous offre un son plus personnalisé. À l’image des singles Freedom et T’as pas cru, la rappeuse nous propose d’explorer la variété de son registre musical. « Le dernier album que j’ai fait était très rap français. Pour celui-ci, j’ai trouvé ma direction, ma façon d’écrire et de faire des chansons. C’est un album très actuel sur ce que je vis du point de vue personnel, dans ma musique. Je suis en plein contrôle de ce que je veux faire, puis je m’en fous de ne pas sonner comme les autres », explique celle qui ne souhaite pas limiter son potentiel créatif. Les chansons de son projet sont résolument hip-hop, en plus d’y retrouver de la pop urbaine, de l’afro beat et du trap.

Dans ce prochain opus, l’artiste offre des textes affirmatifs. « C’est pas un album avec un concept, j’avais des choses urgentes à dire. Avant, je me censurais dans mon écriture, je me mettais tellement de barrières. Je me suis rendu compte que les gens ne me connaissaient pas assez. Je me livre un peu plus ».

Dans la chanson « Ma peau », l’artiste laisse place dans son écriture aux réalités que vivent les femmes noires. Elle espère que ses chansons deviennent une forme d’empowerment pour les femmes.

Les spectacles prévus à la suite du lancement permettront au public de s’amuser et de danser. La rappeuse trouve cela intéressant que les danseurs soient revenus dans les dernières années au centre de la culture hip-hop, un phénomène qu’on observe davantage aux États-Unis. « Faire des shows, c’est ma force, c’est là où je m’amuse le plus. J’ai suis confortable, je suis 100 % à l’aise sur scène, c’est mon terrain de jeu », développe celle qui pense déjà aux tournées sur la scène locale et internationale.

Tournée et reconnaissances

En avril, Sarahmée s’envolera à New York pour une mini-tournée. Elle a été invitée dans le cadre du Festival des cinq continents, un événement célébrant la littérature, la francophonie et la diversité.

Cette année, l’artiste est également co-porte-parole des Francouvertes avec son frère, Karim Ouellet. Ce concours musical est incontournable pour les artistes de la relève. Il est à noter que pour l’édition 2019, le rap queb est bien présent dans la programmation. « Lors de ma participation en 2016, j’ai compris beaucoup de choses de la scène. C’est formateur de recevoir des commentaires directement après ta prestation », explique la rappeuse.

Sarahmée est très fière d’être nommée au Gala Dynastie dans la catégorie artiste ou groupe francophone de l’année aux côtés de Lost et Izzy-S. Depuis trois ans, les organisateurs de ce gala mettent beaucoup d’énergie pour célébrer et promouvoir l’excellence black. « Je suis heureuse d’être nommée. Je suis vraiment contente qu’il y ait quelque chose qui soit fait pour la communauté noire et pour la société en général ».

Le lancement de l’album aura lieu le 18 avril à Montréal au Ministère. Sarahmée présentera ses dernières créations accompagnées de danseuses et musiciens. L’album Irréversible paraîtra le 5 avril sous les étiquettes Bonhomme et Ste4. Il est produit par l’équipe de TenAm music, qui compte Tom Lapointe et Diego Montenegro.

Crédit photo : Félix Renaud

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