À l’heure de l’Internet et des réseaux sociaux, la longévité d’une carrière musicale est plus fragile que jamais. À chaque jour, on crée de nouvelles stars pour effacer celles d’hier. Les artistes qui parviennent à résister à ce renouvellement constant le font à travers une curiosité et une humilité qui leur permet de se réinventer sans perdre leur originalité. C’est le cas de Souldia, qui présente aujourd’hui Backstage, son 13e projet en carrière et premier sur l’écurie Disques 7ième Ciel. Rencontre téléphonique avec celui qui réussit à rassembler les vétérans et les nouveaux venus.

Le parcours du survivant

« Ce que j’aime, c’est que j’apprends encore, avoue Souldia au bout du fil. C’est pour ça que je suis aussi productif. Je finis un album et j’apprends tellement de choses en le faisant que je veux tout de suite retourner en studio pour utiliser ça sur le prochain projet. »

Cette ouverture d’esprit est au centre de l’approche créative du MC, qui avoue délaisser le rap lorsqu’il crée au profit du jazz ou du rock, question de ne pas trop se laisser inspirer par les autres. Autrefois reconnu comme un rappeur pur et dur, Souldia passe sur Backstage du trap au reggaeton à la musique électronique en naviguant les différentes vagues en vrai capitaine du bateau pirate. Si l’album est une démonstration de l’évolution du rappeur, elle puise également dans le passé avec la présence accrue du DJ Fade Wizard, qui fournit des scratches sur quatre morceaux.

Tout ça pour continuer à innover : « je ne veux jamais aller dans la direction où les gens m’attendent, indique l’artiste au crâne tatoué, c’est un challenge face à moi-même d’analyser ce que j’ai fait avant pour voir comment je peux évoluer, mais aussi ce que je peux reprendre. »

Respect et ouverture

On sent chez le rappeur de Limoilou une hargne de créer qui ne fait que gagner en force avec les années. Celui qui réussit à réunir les générations autour de sa musique le fait par passion, avec une approche humble qui lui permet de garder ses fans du premier jour tout en convaincant les plus jeunes de se joindre à son mouvement.

Il y a d’ailleurs plusieurs générations de rappeurs québécois sur Backstage, alors qu’on passe des Sozi, vétérans du rap de rue de Québec, à Loud et Eman, puis à FouKi, Tizzo ou White-B. On y trouve également les chanteurs Rick Pagano et Eli Rose, son complice de toujours Farfadet ainsi que les poids lourds du rap français Seth Gueko et Sinik. Tout ça est le résultat d’un désir d'échanger avec les artistes qu'il apprécie et d’une volonté de bien s’entourer.

« C’est tellement important pour moi de passer au suivant, explique-t-il, parce que c’est comme ça qu’on arrive à traverser les années. Des gars plus vieux que moi comme Les Sozi l’ont fait avec moi, et je m’assure de le faire avec les plus jeunes. Il y a beaucoup de gens qui montent très vite dans le monde de la musique, mais qu’on oublie aussi rapidement parce qu’il gardent tout pour eux. Pas moi. »

Cette collaboration avec Les Sozi, « Joyeux Noël », marque d’ailleurs Backstage par son intensité. S’il est important de souligner l’apport de la jeunesse dans le rap, il faut aussi reconnaître la contribution de ceux qui sont passés avant.

« Les Sozi, c’est des grands frères à moi qui viennent de mon quartier, dit Souldia avec passion, c’est deux pirates extravagants avec qui j’aime faire des saloperies! Ils m’ont toujours supporté, peu importe mes choix, ils m’ont toujours rappelé ce qui était important. Alors je voulais le souligner, et redonner à mon quartier aussi. »

Backstage à travers la crise

Celui qui affirme être « dans le futur » sur « Vilain » doit par contre relativiser face au présent. Habitué de partir en tournée pour défendre ses albums, Souldia doit maintenant mettre ses plans sur pause face à la pandémie, comme tout le monde. Il se compte toutefois chanceux d’avoir pu tourner des clips, malgré les pertes non-négligeables liées à l’annulation de gros spectacles.

Le nouveau vidéoclip de Souldia, Vilain, est paru ce vendredi.

« On parle quand même du report ou de l’annulation possible d’un MTelus, d’un Impérial, d’un Granada, précise l’artiste, alors c’est difficile. Mais au moins l’album est là, les gens vont avoir le temps d’apprendre les paroles de l’album et une fois de retour en show, ça va être explosif! »

La situation actuelle frappe tout le monde, et force les créateurs à revoir leur approche. Malgré les embûches, cela donne parfois de très bons coups, comme le clip de « Rêve de jeunesse », la collaboration avec Loud qui bénéficie d’une vidéo géniale réalisée par Sixteen Pads.

À voir : Après le clip de Souldia et Loud, l’homme derrière Sixteen Pads revient sur ses réalisations

S’ils ont décidé de changer de scénario au dernier moment, les deux artistes auraient pu maintenir le tournage initial. Mais vu la prise de position de Souldia face à la COVID-19 sur ses réseaux sociaux, c’était impensable.

« Si on avait pas travaillé avec Pat (Antoniewicz, de Sixteen Pads), je ne pense pas que j’aurais été réceptif à l’idée, confie-t-il. Techniquement, on aurait pu tourner le concept initial. Mais je ne suis pas un menteur et j’ai fait une vidéo où je dis aux gens de rester chez eux. 6000 partages plus tard, je ne pouvais pas faire le contraire et aller tourner un clip. »

Habitué des sonorités sombres, on trouve un Souldia un peu plus lumineux sur Backstage, avec la pièce « Un jour à la fois », par exemple. Du moins, assez pour qu’il décide de maintenir la sortie de son album malgré la crise. « Si c’était L’album noir, je pense que je ne l’aurais pas sorti, je ne veux pas jouer négativement avec le mood des gens. Mais il y a beaucoup de bon sur mon album, je pense que Backstage va faire du bien aux gens. »

Backstage est désormais disponible sur tous les services d'écoute de musique en continu.

Photo : Mike Massa

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