Après avoir pris le rap d'assaut en s’affirmant comme la figure de proue de la vague BK Drill, Pop Smoke semblait promis à un brillant avenir. Son ton de voix guttural et sa capacité à sortir des lignes courtes et percutantes ont fait du rappeur un des rappeurs émergents les plus populaires du moment aux États-Unis. Malheureusement, toutes les promesses autour du rappeur de seulment 20 ans se sont éteintes en même temps que lui, tristement assassiné dans une maison californienne en février dernier. D'ailleurs, cinq hommes ont été interpellés cette semaine en lien avec le meurtre du rappeur.

Le nouveau 50 Cent produit par… 50 Cent

Fort de ses mixtapes Meet The Woo et Meet The Woo 2, le rappeur a bâti sa carrière sur deux hits parfaitement représentatifs du drill rap : Welcome To The Party et Dior. Percussions off-beat, 808 omniprésents et débit agressif; ces deux pièces ont révélé Pop Smoke comme une des prochaines stars du rap américain. Tué alors qu’il travaillait sur son premier album, le rappeur n’a jamais pu compléter cet opus ni confirmer ces promesses.

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Cependant, suite à son décès, son gérant Steven Victor et 50 Cent se sont associés pour s’assurer que ce premier album voit bien le jour. L’implication de 50 peut surprendre, mais prend tout son sens quand on observe les similitudes entre les deux artistes. Dans la voix et le débit, on pouvait voir en Smoke le prochain 50 Cent, le rappeur new-yorkais qui allait convaincre toute la ville. Plus encore, la similarité se transporte jusqu'à leur nom de famille : Jackson. Les deux artistes étaient proches et avaient passé plusieurs heures en studio ensemble. Il était donc tout indiqué que 50 prenne en main la finalisation et la promotion du projet.

Après la controverse autour d’une couverture d’album complètement ratée conçue par le réputé Virgil Abloh, c’est finalement la semaine dernière qu’on a pu écouter Shoot For The Stars Aim For The Moon, un album posthume qui présente une croisée des chemins opérée rapidement, peut-être trop pour le public du rappeur, qui a été surpris par un virage loin du drill rap grâce auquel Smoke s'est fait connaître.

De plus en plus loin du drill rap

Parce que sur Stars, le rappeur s’éloigne plus que jamais de sa fibre drill rap. Toujours présent sur quelques pièces, notamment les deux premières chansons Bad Bitch From Tokyo et Aim For The Moon, le genre qui a fait connaître Pop Smoke est toutefois majoritairement délaissé pour des sonorités plus accessibles, surtout trap et r&b.

Soutenu par un star power évident, l’album est clairement destiné à un succès massif, mais semble toutefois sacrifier la touche unique du rappeur au profit de l’attrait commercial. Se croisent sur Stars le gratin du rap américain, notamment Quavo (trois fois!), Lil Baby, DaBaby, Swae Lee, Future, Rowdy Rebel, 50 Cent, Tyga, KAROL G ou encore King Combs, le fils de P. Diddy. Ça fait beaucoup de featurings, et on a un peu l'impression de perdre contact avec l'univers de Pop Smok, chaque featuring semblant amener le rappeur vers les sonorités de ses collaborateurs.

Alors qu’on connaissait Smoke comme un artiste purement drill, le rappeur désirait varier son catalogue afin de prouver sa polyvalence, ce qu’il démontre de façon admirable sur cet ultime opus. La douceur de pièces comme Yea Yea ou The Woo surprend, sans toutefois choquer.

Dans un long profil réalisé par Complex sur le processus de création de l'album, Steven Victor affirme cependant que la progression musicale du new-yorkais a toujours été prévue de cette façon : avec ses deux mixtapes, il voulait imposer le style street et lourd du Brooklyn drill, avant de surprendre avec un album polyvalent qui devait convaincre un public plus large de ses capacités à créer des chansons aux sonorités diverses et accessibles.

Une évolution (trop) rapide

Cependant, il est difficile de ne pas douter de certains choix artistiques, peu importe la volonté de l'artiste. Après deux mixtapes axées presque complètement sur le drill, avec des collaborations conséquentes - Fivio Foreign, A Boogie Wit da Hoodie ou Lil Tjay - seul ce dernier se retrouve sur Stars. Pour les fans de rap du moment, ce n’est pas nécessairement une déception, mais pour les gens qui suivent Smoke depuis ses débuts, cela peut ressembler à un changement de direction artistique hyper (voire trop) drastique.

Puis, il y a cette ressemblance sonore à 50 Cent qui est plus évidente que jamais, au point où Pop Smoke reprend des paroles du patron de G-Unit à plusieurs reprises, notamment sur The Woo, où il se réapproprie le refrain de Candy Shop et sur Got It On Me, qui reprend la mélodie et le refrain de Many Men. L’hommage est intéressant et bien fait, mais peut paraître un peu suspect sur un album où Curtis Jackson assume le rôle de producteur exécutif.

Dans le profil de Complex, le vétéran rappeur ne s'en cache d'ailleurs pas : il a bien eu une influence sur la direction musicale de Stars, chose qu'il assume pleinement. C'est que les deux artistes partageaient une vraie connection, et l'influence de 50 sur Pop Smoke dépassait de loin leur amitié. C'est pourquoi il n'est pas si surprenant de sentir l'omniprésence musicale de 50 Cent à travers l'album, qui est finalement conséquente et qui n'écrase pas le talent de Smoke.

Peu importe les attentes, une chose est par contre claire : Shoot For The Stars Aim For The Moon est probablement l’album de l’été. Quoiqu’on pense du virage plus accessible que prend Pop Smoke sur cet album, il est indéniable qu’il s’agit d’un catalogue de hits impressionnant qui devrait résonner tout l’été dans les voitures et les house partys.

Le public semble être d'accord, puisque Stars a réalisé un démarrage exceptionnel pour un premier album : plus de 200 000 ventes lors de la première semaine et #1 au palmarès Billboard 200. Malgré tout, aucune pièce de cet album ne s'approche de la puissance de Welcome To The Party ou de Dior (qui se retrouve sur l'album... ainsi que sur les deux volumes de Welcome to the Woo).

Dans tous les cas, il s'agit indéniablement du premier album incontournable de l'été chez nos voisins du Sud. Pour Smoke, qui rêvait de pouvoir inviter sa mère à un gala de remise de prix de type Grammys, il semble que le rêve puisse finalement devenir réalité malgré sa disparition.

Photo : Pop Smoke (Instagram)

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