Le monde du rap est rempli d’artistes confiants, parfois trop. Dans le cas de Naya Ali, on sent chez la rappeuse une force sereine qui la pousse dans tous ses accomplissements, à travers sa musique et sa personnalité. Loin d’être arrogante, l’artiste signée chez Coyote Records respire plutôt un sentiment de contrôle, d’assurance qui convainc l’auditeur, même dans une période aussi compliquée qu’en ce moment. Elle en fait preuve plus que jamais sur Godspeed: Baptism (Prelude), la première partie d’un album en deux temps dont la suite sortira cet automne. On a fait un tour d’horizon de ce nouveau projet avec Ali au téléphone, confinement oblige. 

Perdre pour mieux gagner

À prime abord, le constat semble inévitablement négatif lorsqu’on aborde cette sortie de projet. Programmée au prestigieux festival SXSW à Austin au Texas, avec une tournée en préparation, Naya Ali a été forcée de revoir son plan de match suite à l’arrivée de la COVID-19. Alors que plusieurs artistes auraient pu se plaindre de ce coup du sort, la rappeuse d’origine éthiopienne décide plutôt de faire confiance à la vie. 

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« Finalement, ce qui se passe en ce moment nous rappelle ce qui est vraiment important » avance-t-elle. «Oui, ça change beaucoup de choses, ça demande du recul, mais ça nous rappelle que malgré tout, on est tous connectés. Alors je me dis que c’est comme ça que l’album devait sortir, ça fait partie de mon parcours et j’ai confiance que tout tombe en place, même si c’est sûr qu’on perd des opportunités, de l’argent, etc..»

Cette notion de suivre son parcours revient énormément lorsqu’on parle à Ali. L’artiste de Notre-Dame-de-Grâce ne se bat pas contre les imprévus, les changements de direction, et la vie lui en donne souvent raison. 

« Par exemple, on a dû séparer l’album en deux parties pour plein de raisons, et moi au début j’étais contre, je voulais présenter un album complet. Puis finalement, regarde ce qu’il se passe, de pouvoir le sortir en deux fois, ça va nous donner l’occasion de revenir à la lumière une fois sortis de la situation actuelle. Alors, pourquoi douter? Tout s’arrange.»

Continuer l’évolution

Remarquée grâce à son EP Higher Self paru en 2018, Naya Ali a depuis pris le rap canadien d’assaut comme aucun artiste anglophone montréalais ne l’avait fait avant. Première rappeuse solo québécoise à faire Osheaga et le FEQ, une présence sur les panneaux publicitaires de Spotify au Easton Center de Toronto, finaliste du concours Music Searchlight 2020 de la CBC… les accomplissements s’accumulent à un rythme accéléré pour la rappeuse depuis deux ans. Comment utiliser tout ça pour continuer à avancer?

« Mon objectif après Higher Self, c’était vraiment de poursuivre la recherche de ma force intérieure, d’encore mieux la canaliser. J’ai creusé en moi pour aller chercher encore plus de puissance, et je pense que j’ai réussi à la maîtriser sur Godspeed. Pour le reste, tout est question de timing et quand tout ça se rassemble, c’est là que tu peux rayonner.»

Clairement, l’artiste est à son meilleur sur ce nouveau projet qui réunit notamment Kevin Figs, Chase.wav et Benny Adam à la production. Elle a gardé toute la fougue qui la définit, tout en faisant preuve d’une polyvalence impressionnante, comme sur le morceau « For Yuh », de loin la chanson la plus accessible de sa carrière. Sauf que pour une artiste avec un seul projet à son actif, il est important de lui laisser la chance de grandir, de faire évoluer sa palette artistique. 

« La musique appartient aux gens une fois qu’elle est sortie, et il leur appartient de juger ce qui est proposé», explique Ali. « Mais une chanson comme For Yuh, par exemple, c’est quelque chose que j’ai toujours voulu faire. Je ne me suis pas dit que je devais avoir une chanson plus accessible, c’est juste que j’adore créer, pousser mes envies créatives au maximum. Puis, le EP, c’était seulement quelques layers de ce que je suis capable de faire. »

Rapper en anglais au Québec, une force

Ali est bien implantée au Québec grâce à sa signature à Coyote Records, une des maisons de disque les plus actives de la province. Si le statut d’artiste anglophone au Québec est souvent vu comme un désavantage dans ce microcosme culturel où la préservation de l’art francophone est primordiale, il s’agit plutôt du contraire selon la rappeuse qui collabore d’ailleurs avec Souldia et MB sur le remix de sa chanson « Get It Right ». 

« Les gens d’ici disent qu’un rappeur anglo doit skip Montréal pour aller à Toronto ou aux States, mais la vérité, c’est que les gens ne te connaissent pas plus là-bas! En tant qu’anglophones, on doit profiter de l’industrie francophone qui se développe tellement rapidement, c’est une opportunité incroyable de pouvoir travailler avec eux. Même si le Québec n’est pas le marché où j’aurai le plus grand succès en terme d’envergure, c’est important de lock down sa ville avant tout.»

De toute façon, et on le remarque en tant de crise, l’Internet vient démocratiser l’accès à la culture plus que jamais. Alors que l’affiliation à une ville ou une région était auparavant cruciale dans le rap, il est désormais plus simple d’être remarqué lorsque le talent est présent. 

« Ma musique se rendra dans les oreilles de toute façon,» explique Ali. « En ce moment, je construis le blueprint pour les gens d’ici, parce que personne ne l’a fait avant moi. Ça ne me dérange pas d’être une pionnière, je trace mon chemin depuis le début et ça ne changera pas. »

Cette ténacité est claire sur Godspeed: Baptism (Prelude), projet de huit titres disponible dès maintenant. 

Photo: Neil Mota

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